Chambre avec vue

avril 27, 2018 Anne Francoeur 6 Comments

Le temps où le Champagne coulait à flot sur les ailes d'Air France est révolu.  Ça prend tout pour que j'obtienne un verre en plastique de Canard-Duchesne qui ne mérite certainement pas l'appellation Champagne.  Je pigrasse dans l'assiette de poulet à la tireliche, laissant le tout pratiquement intact.  Quand je mets mon super casque Sony antibruit, c'est comme si je n'étais plus dans un avion.  Monteverdi résonne sans qu'aucun bruit de moteur ne réussisse à percer la coque de ce miracle de la technologie.  Assis  côté  corridor avec deux femmes à ma droite, je salue leur vessie plus ample que la mienne.  Elles ne se sont pas levées une seule fois durant les 6 heures de vol jusqu'à Paris.
Le vol pour Tunis est retardé, le chargement des bagages semble interminable.  On passe une heure à attendre que le mouvement de recul de l'appareil se fasse enfin sentir.  Éric n'a pas la chance que j'ai eue lors du vol précédent, sa voisine se cramponne à tout ce qui bouge dès que l'avion tremble un peu, et se lève aux cinq minutes pour une pause-pipi.  Moi, j'enfile mes écouteurs "bioniques" et je m'offre un bon moment de détente qui oscille entre sommeil profond et écoute attentive d'airs de Handel.  Ma rêverie est brusquement interrompue par mon voisin qui demande un stylo.  Après avoir, semble-t-il, résumé la théorie de la relativité sur un sac à vomi Air France, il se lance dans une série de calculs qui me fait craindre le pire pour l'encre de mon mini stylo. 
L'aéroport de Tunis n'a pas été rénové dans la dernière année, disons-le ainsi.  Une série de corridors nous mène à la grande salle au nom intimidant : Contrôle Police.  Les files sont déjà bien remplies quand nous en joignons une, au hasard, qui s'avère, bien sûr, être la plus lente de toutes.  Notre douanier-policier vérifie attentivement les passeports des plus jolies filles, en lançant quelques boutades pour mieux admirer le sourire des demoiselles.  Soupir!  Quand un supérieur approche, tous les agents délaissent les visiteurs, impatients, pour une franche accolade et un bisou sur la joue,  sous le regard étonné des 500 visiteurs en ligne.  Re-soupir!
Chaïma et Amine nous accueillent avec des fleurs.  On sent tout de suite la joie de nous voir et le plaisir de nous faire découvrir LEUR pays.
L'enregistrement s'avère plus laborieux que prévu au Movenpick Hôtel du Lac Tunis, fraîchement ouvert depuis deux semaines.  Le tarif réduit que j'ai obtenu en ligne semble trop beau pour être vrai, surtout qu'il inclut le déjeuner.  Je dois fournir les preuves de ce que j'avance et laisser le jury délibèrer.   Le verdict tombe: nous pourrons finalement nous installer dans une chambre avec vue sur le lac, petit déj' inclus.  Mais la notion de vue n'est pas la même pour tout le monde.  On parle ici d'une vue sur le mur de la maison voisine de l'hôtel et quand le regard se porte vraiment sur la droite, après le chantier de construction, je ne peux pas le nier, j'aperçois le lac!  Je ne manque pas de souligner l'ironie en passant par la réception.  La chambre est cependant spacieuse et rutilante.
Le soleil est en train de se coucher quand nous arrivons au centre-ville de Tunis.  L'avenue Habib-Bourguiba est animée, et nous achetons des billets pour le spectacle symphonique du 1er mai au magnifique Théâtre national.  L'hôtel Majestic, que j'ai indiqué comme un incontournable, ne mérite vraiment pas le détour et Chaïma comprend maintenant pourquoi elle n'avait jamais entendu parler de l'endroit.  Chapeau à Amine pour la conduite dans le grand Tunis.  D'instinct, il nous conduit au restaurant La salle à manger et, hésitant un peu sur la direction, s'informe à un passant qui est en fait le valet parking du resto!  Le serveur bourru ne gâche pas le bon souper de gastronomie française, mais on se serait bien passé de la difficulté de payer avec le terminal qui perd la connexion à tout bout de champ après une journée de voyage éprouvante.
De retour vers l'hôtel, la voiture de location d'Amine attire l'attention d'un policier à un contrôle routier.  Amine, bon méditerranéeen qu'il est, n'apprécie pas trop l'attitude du policier qui lui reproche de conduire sur les feux de route (les hautes!) et veut lui coller une double amende parce qu'en plus il ne porte pas son passeport sur lui.  Le ton monte et les tentatives de Chaïma de calmer le jeu (en prononçant, avec ma connaissance de l'arabe, des mots qui commencent par B!) sont sans effet.  Éric et moi, interloqués, craignons un peu les conséquences de l'altercation, le policier porte quand même une mitraillette à l'épaule!  Contre tout attente, le tout se règle avec une poignée de mains chaleureuse, des mots d'excuse et aucune contravention, au grand soulagement de tous.  Ne manquait que le bisou sur la joue.  Welcome to Tunisia!



6 commentaires:

  1. Le ton est donné et tu mets la barre haute! Ton texte est tellement dynamique que je m'y croyais présent. Reposez-vous bien et bon séjour.

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    1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    2. Merci. J'avais presque terminé mon texte hier soir quand j'en ai perdu une partie. Ça valait l'effort donc.

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  2. Comme dit Gervais ton texte est, comme d'habitude, super. J'adore te lire cher ami.

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  3. J'arrive de Munich et c'est sur la 40 que je lis ton réjouissant texte à voix haute.
    Il semble que votre voyage promet d'être riche en rebondissements!

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  4. On est très contents de vous voir en Tunisie !

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