Qui trop embrasse mal étreint
Tous les guides n'ont pas été crées égaux. Nos guides chaleureux, prévenants, attentifs du voyage en Égypte n'ont pas d'équivalents ni en Tunisie ni au Maroc.
Ismail nous attend dans un gros Toyota Prado confortable. Berbère aux yeux couleur de miel, élevé dans une oasis du désert, il est sympathique, mais il fume, ce qui transforme nos petits arrêts en pause de 15 minutes. Il semble qu'au Maghreb, il soit normal que le client attende après son guide... Sa conduite est lente et prudente, presque trop, c'est comme si nous avions tout notre temps. Le paysage verdoyant des abords de Marrakech (Ah! Les champs de coquelicots!) laisse tranquillement place à des décors montagneux arides plus nous montons dans le Haut Atlas. Pour accéder au col de Tizi n'Tichka, il faut grimper à 2260 mètres d'altitude par des routes en zigzags en pleine rénovation.
Arrêt obligé à la coopérative féminine d'huile d'argan en même temps que tous les bus qui font le même trajet que nous. Le débit de la présentatrice des produits est si rapide qu'il manque des syllabes à ses mots faisant de son français un charabia incompréhensible. On fait quand mème quelques emplettes dans une atmosphère hystérique de fin du monde. L'huile d'argan ne va pas se tarir les amis, calmons-nous! Seul le Maroc peut produire cette huile miraculeuse, cosmétique ou alimentaire, pressée à partir des arganiers, arbre endémique du pays.
Le paysage semi-désertique sec et rocailleux devient un brin lassant, surtout l'estomac vide. Soit on arrête au même resto que tous les bus (vive l'ambiance!), soit on attend à Ouarzazate. On a choisi d'attendre, mais quand on arrive enfin à 14h à 34 degrés, je crois défaillir. La terrasse ombragée du resto Douyria est agréable et les brochettes franchement délicieuses. Une bière Casablanca pour couronner le repas!
Il n'y a rien a voir à Ouarzazate. Hollywood marocain perdu au milieu de nulle part, porte d'entrée du désert du Sahara, le guide nous deconseille le musée du cinéma et les studios ne présentent aucun intérêt pour nous. Babel, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, Gladiateur, La momie, Un thé au Sahara, Game of Throne ont tous été filmés ici. Mais les acteurs doivent trouver le temps long une fois le soleil couché. J'imagine la moue de Nicole Kidman quand on lui annonce : on tourne à Ouarzazate!
Pour payer le guide, on amorce la tournée des distributeurs de billets. Succès au troisième arrêt!
Il est déjà tard (17h30) quand nous arrivons à Aït Ben Haddou. Ce village fortifié (ksar) a éte fondé au 8e siècle, mais rien de ce qui est visible aujourd'hui n'est plus vieux que le 17e siècle. Le ksar a été vu dans nombre de films, dont Le diamant du Nil et Gladiateur.
La lumière est moins belle et je considère qu'on a une heure de retard au moins sur l'horaire qu'on aurait dû suivre avec tous les arrêts. Je vis une petite crise intérieure. Est-ce ça valait la peine de traverser l'Atlas pour voir ce château de sable qu'est le kasbah de Aït Ben Haddou? Je me rends compte qu'à force de vouloir tout voir, j'échafaude des journées éreintantes en voyagement pour un truc qui n'est même pas mémorable. Ce voyage m'aura appris une leçon : qui trop embrasse mal étreint. Je me déteste d'avoir décidé de venir ici au lieu de rester bien relaxe à Marrakech. La sagesse qui pointe enfin à l'aube de mes 40 ans? Ça ne valait pas le coup de faire toute cette route pour seulement un avant-goût de ce que le désert a à offrir.
Le joli riad Caravane a du charme à revendre, dommage qu'il partage ses murs avec une petite ferme où toute la ménagerie caquète, braie et meugle allègrement. Le poulet aux olives et au citron confit est delicieux. Une fois qu'on a soupé par contre, il ne reste qu'à regarder les étoiles et s'endormir. Je ne savais pas que le ciel pouvait contenir autant d'étoiles.
À 8h30 le lendemain, on est déjà retourné voir le ksar, on a déjeuné et les valises sont dans la voiture pour partir. On emprunte une route différente qui passe par Telouet. Quasiment à l'abandon, le kasbah a connu des heures de gloire au début du 20e siècle. Son propriétaire, un riche pacha marocain surnommé le Glaoui, proche du pouvoir français de l'époque, le fit rénover à grands frais. L'extérieur décrépi ne laisse pas soupçonner les richesses de l'intérieur. On dit que 300 ouvriers travaillèrent 3 ans pour venir à bout des travaux. Étrangement, notre guide nous confie à un autre guide qui nous fait faire la visite en compagnie d'un groupe de Français beaucoup trop intéressé à mon goût par les dynasties marocaines.
Ismail a l'air pressé. Moi je ne comprends pas pourquoi il faudrait être 3 heures à l'avance pour un vol intérieur vers Fès... Sa conduite n'est plus la même qu'hier, il va vite, dépasse à des moments que je juge dangereux. Il donne l'impression qu'il veut mettre fin à ce tour rapido-presto. À la dernière minute, il contacte l'agence. Hier, en payant pour le tour, j'ai oublié de multiplier par deux personnes. Je me confonds en excuse, mais l'attitude d'Ismail a changé du tout au tout...comme si j'avais voulu les frauder!
Un matin, le proprio du riad à Fès nous a dit : les Marocains n'ont jamais tort et ce n'est jamais de leur faute. Je m'explique ainsi la réaction d'Ismail quand je lui dis, au 4e distributeur à billets qu'on essaie, pour me défendre un peu, qu'après tout, c'est pas à moi de savoir combien je leur dois, mais bien le contraire. À l'aéroport, il décharge les valises promptement alors que je lui avais dit que j'avais des achats à ranger, et il déguerpit. Toute une finale!
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