Un ennemi à Tozeur

mai 08, 2018 Anne Francoeur 5 Comments

La médina de Tozeur n'a d'intéressant que l'utilisation des fameuses briquettes, produites ici artisanalement, dans la construction de ses nombreux bâtiments.  Les touristes sont rares, alors le marchand d'antiquités nous a vu venir de loin.  Éric a le malheur de reluquer un de ces bougeoirs en verre "made in China" qui débordent des tablettes du Dollorama l'été.  Il est aussi affublé d'une incapacité incroyable à marchander.  Le vendeur lance 35 dinars (17 dollars), ce à quoi Eric répond : accepteriez-vous 30 dinars? Je dois intervenir, mais ne voulant pas de cet objet à la maison, j'annonce 15 dinars.  Le marchand, insulté, ne me lâche plus : sur quoi je me base pour dire que ce bougeoir qui décore si bien une table vaut 15 dinars, y'a plus de touristes dans le sud alors faut acheter quelque chose, mes amis les Canadiens vous avez sauvé nos palmiers, aidez mon commerce.  Tout le chapelet y passe et la gentillesse du début s'est transformée en agressivité.  Ça continue sur le trottoir, mais je ne veux rien savoir de ce truc horrible peu importe le prix.  J'ai maintenant un ennemi à Tozeur.
L'artisan qui fabrique les briquettes, lui, n'a rien à vendre...sauf des briques évidemment pour lesquels les touristes ne sont pas le public cible, fort heureusement.  Il nous explique en détails chaque étape de la fabrication des briquettes tozeuroises : il mélange 2 sortes d'argile avec de l'eau et une fois la glaise obtenue, il la moule selon la forme de briques désirée, puis la démoule rapidement avant de la laisser sécher recouverte de cendres de feuilles de palmiers pour éviter qu'elles ne se fissurent.  Vient l'étape du four qui, à 900 degrés, cuit pendant 24 heures les briques sous la supervision des artisans qui se relaient jour et nuit.  Un bel exemple de solidarité pour ces ouvriers qui triment dur au gros soleil pour réussir à faire entre 500 et 1000 briques par jour.
Tout est relatif.  La grande cascade annoncée est un petit filet d'eau qui coule des rochers, mais dans le terrain aride de l'oasis de Tamerza, ça devient une attraction touristique alors que chez nous, on n'en ferait aucun cas.  Le canyon de Mides, si proche de l'Algérie qu'on voit la frontière, est un endroit tellement sec et chaud qu'on n'arrive pas à croire que le village a éte détruit par des pluies torrentielles en 1969, et qu'un pont doit être construit parce que les habitants des alentours se retrouvent isolés en cas de fortes averses.  L'oasis de Chebika est vraiment le plus intéressant.  Encore une fois détruit en 1969, le village a été déplacé quelques mètres plus bas  et la promenade en montagne faite avec un berbère est agréable et offre de beaux points de vue.
Le dîner au restaurant du soleil à Tamerza est copieux (soupe, brik, couscous, dattes), et la route vers Nefta nous semble longue juste pour voir d'en haut la palmeraie et sa source au centre (surnommée la corbeille).  La visite de la médina nous fait juste apprécier le confort que nous avons à la maison.  Sous le chaud soleil de l'après-midi, le décor de Star Wars est étouffant, même les vendeurs dorment enroulés dans leurs foulards sans nous prêter la moindre attention, nous, les seuls touristes sur place. Bechir, qui je crois ne veut pas laisser la voiture en plein soleil, nous dit de le rejoindre de l'autre côté, ce qui nous oblige à grimper la dune dans le sable bouillant pour le rejoindre. Tout ça parce que je voulais prendre une photo des dunes de Oung Jmel...
De retour à l'hôtel, nous apprécions le fait que la colonie de fourmis n'a pas conquis davantage de territoire.  Le besoin de se dégourdir les jambes se fait sentir, et nous marchons jusqu'au supermarché Carrefour en quête de vin tunisien.  Aucune bouteille sur les tablettes traditionnelles, nous découvrons à l'extérieur une flèche rouge qui indique le chemin vers le local où est entreposé l'alcool.  L'effet fonctionne, on se sent mal à l'aise d'acheter une bouteille comme si nous posions un geste illégal. 
Nous mangeons, tout fin seul, sur le patio délicatement illuminé du Dar Saida Beya.  Romantique!




























5 commentaires:

  1. J'ai trouvé le titre "autre Tunisie" parfait dans ton itinéraire...

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  2. À première vue, on pourrait dire que ça fait beaucoup de route pour aller voir des briques, un filet de chute et des petits bougeoirs fabriqués en Chine.
    Mais cette expérience vous a fait connaître "l'autre Tunisie", loin de Tunis, de Djerba et des plages méditerranéennes. Vous avez découvert le Sahara, de vastes espaces de désert où l’homme a appris à vivre dans une nature peu hospitalière.
    J'admire votre goût de l'aventure!

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    1. oui je trouve aussi qu'ils sont de plus en plus aventuriers mais on aime ça :).

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    2. Tu as bien su lire entre les lignes, Anne la perspicace.

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