Doucement le matin, pas trop vite l'après-midi
***Fès doit être prononcé "fesse" et non pas Fez***L'attente est longue pour le vol Marrakech-Casablanca. Pendant un bon moment, nous sommes les seuls dans la petite salle d'attente qui ne compte qu'une seule porte pour l'embarquement. Ismail nous a induit en erreur, il n'y a aucune façon de casser la croûte dans ce terminal pour les vols domestiques. Le seul bruit est celui de nos estomacs qui gargouillent, le guide nous ayant recommandé d'attendre de dîner à l'aéroport pour éviter d'être en retard...
À Casablanca, on se jette sur le premier aliment qu'on voit : une quiche chauffée au micro-ondes. Le terminal est aussi excitant qu'un samedi soir à Toronto. Notre malchance continue avec Royal Air Maroc. Le vol est en retard. Reculé d'une heure à cause du Ramadan, on quitte finalement le tarmac à l'heure prévue initialement, 22h30.
La consigne de sécurité s'allume dès qu'on atteint notre altitude de croisière : zone de turbulences annoncée. Elle durera jusqu'à l'atterrissage à Fès. Pour ceux qui ont vécu le vol trompe-la-mort Iguaçu-Buenos Aires, c'est du même calibre. On traverse une tempête de pluie. Ce ne sont pas les lumières de l'avion qui blanchissent la nuit, mais bien les éclairs qui zèbrent le ciel. Pas besoin de vous dire que je ne suis pas gros dans mes souliers. Ça tremble de partout dans ce petit avion à hélices, et chaque petite chute de pression fait battre la chamade à mon coeur. Éric dort tout bonnement, il ne verra les éclairs qu'une fois sorti de l'avion. On n'est pas faits de la même étoffe!
La suite Diamant de l'hôtel Riad Le Calife est l'endroit parfait pour oublier un vol éprouvant. Immense, la déco au rouge dominant est chaude et exotique. Les petits biscuits laissés par les proprios sont un doux plaisir pour nos ventres affamés. L'heure du dodo a sonné depuis longtemps.
Yasmine a l'élégance de ceux qui sont nés dans l'argent. Elle et son mari Alexandre (verbomoteur, excentrique et rieur) possèdent le riad depuis 10 ans, son père à elle a le palais Faraj, l'institution la plus luxueuse de Fès. Les pièces communes du Riad Le Calife sont chargées d'objets glanés chez les antiquaires de la ville. Bref, des gens qui ont le sens du luxe et du bon goût. C'est Yasmine qui nous explique la carte de Fès, mais nous avons de toute façon un tour de la ville prévu à 10h.
La devise des habitants de Fès, selon notre guide local, est la suivante : doucement le matin, pas trop vite l'après-midi. En cette première journée du ramadan, c'est donc assez tranquille au marché de la médina de Fès. La labyrinthique vieille ville n'est pas pour les faibles, sans guide, c'est la confusion assurée.
Les origines de Fès remontent au 8e siècle. L'évolution de la ville est due à l'immigration, d'un côté de la rive de familles andalouses, et de l'autre côté de familles kairouanaises (oui, la ville de Kairouan qu'on a visitée en Tunisie). Ces appellations divisent toujours les quartiers de part et d'autre de la rivière. Là où Marrakech est cosmopolite, festive, animée, Fès est conservatrice, calme et religieuse. Pas de night club comme à Marrakech nous dit fièrement le guide. L'artisanat est aussi pris très au sérieux. Le "made in China" est relégué à quelques boutiques touristiques, autrement on parle de travail de qualité supérieure. Des voiles de soie végétale tissés à la main (on en ramène un qui servira de jeté), des assiettes poinçonnées (on se laisse presque tenter par l'une d'elles), des casseroles de cuivre martelées à la main, des robes de mariée cousues à la main et brodées de bling-bling, les artisans de Fès ont perfectionné les traditions marocaines pour en faire des oeuvres d'art. Fès marque aussi l'emplacement des fameuses tanneries. Dans des cuves, la peau entière est déposée dans un mélange de fientes de pigeon et de chaux pendant des jours (d'où l'odeur prononcée qui émane de ces endroits), puis le cuir est teint dans des cuves contenant des couleurs faites d'ingrédients naturels (le jaune, c'est du safran, le bleu de l'indigo, le rouge des pavots). La vue de ces cuves à partir de la terrasse, image mythique du Maroc s'il en est une, est impressionnante. La tige de menthe qui nous ait offerte à l'entrée aide à oublier l'odeur. Je marchande ferme (je suis bon!), nos achats sont transportés directement à l'hôtel, le tour peut continuer. Le guide insiste beaucoup sur la confiance qui règne à Fès. Un marchand peut laisser son échoppe sans surveillance sans craindre le vol. On achète même le jeté à crédit, l'argent tiré du guichet en fin de journée sera remis par le guide au vendeur.
Le premier souper est loin d'être mémorable. Comme rien n'est simple pour les touristes dans ces vieilles médina, on doit se faire conduire au restaurant Dar Roumana, mais notre accompagnateur n'est pas au rendez-vous. Quand il arrive enfin, la pluie se met à tomber. On nous conduit à une table dans une alcôve qui pourrait être romantique si un couple en attente d'une place n'était pas en train de rejouer le film Emmanuelle derrière moi. C'est ce qu'on appelle une partie de Fès ?Les serveurs ne s'occupent pas de nous, et mon fondant de pommes de terre est dur comme de la roche (pas cuit au centre!). On quitte sans manger de dessert, l'attitude marocaine semblant être que si le client n'est pas satisfait, c'est que c'est lui qui a un problème. Dommage, le patio était pourtant si beau.
Le lendemain, nous quittons vers Volubilis, une ancienne cité romaine qui vivait du commerce de l'huile d'olive. Située dans un décor enchanteur et entourée de champs bucoliques, la visite de Volubilis est agréable et intéressante, mais comment les 90 km pour s'y rendre peuvent nous sembler si longs ? Au retour, on passe par la ville sainte de Moulay Idriss, dont le nom provient de l'arrière petit-fils de Mahomet, enterré dans un mausolée dont la visite est interdite aux non musulmans. Jusqu'en 2005, il était d'ailleurs interdit de visiter cette ville après 15h pour les touristes non musulmans. Perché sur une colline, le village est tout en pentes et en escaliers, et rapidement on se perd en tentant de retracer la terrasse qui permet une belle vue (ça a l'air si simple dans le Routard!). Un homme, dont on se méfie au départ, nous prend en charge et nous conduit aux différents points de vue moyennant bien sûr quelques dollars. Il me surnomme le Japonais et m'indique toutes les photos que je devrais prendre. Le suivre est un acte de foi, mais il nous ramène au stationnement tel qu'entendu où notre conducteur nous attend.
Plusieurs parcours touristiques sont disponibles dans la ville de Fès, marqués de pancartes colorées tout le long du trajet. Ça semble facile au départ de suivre le parcours Jardins et palais andalous, mais il manque une pancarte verte au beau milieu de la marche qui, de toute façon, ne présente finalement aucun intérêt. On bifurque pour retourner au souk plus touristique, et on s'arrête au bohème Café Clock. On n'a pas mangé une bouchée ni bu une goutte d'eau depuis le matin, comme si on faisait le jeune du Ramadan, alors le gâteau aux carottes est plus que bienvenu.
C'est la dernière journée de ce voyage ambitieux qui nous a fait découvrir la Tunisie et donné un avant-goût du Maroc. Attablés sur la terrasse du riad, devant le panorama de Fès sous nos yeux, nous prenons notre dernier repas en terre marocaine. La nuit sera courte, lever prévu à 2h30 du matin pour prendre l'avion de 5h vers Casablanca. En comptant les vols Casablanca-Paris et Paris-Montréal, nous aurons vécu 9 décollages et autant d'atterrissages (ouf!) et fait un nombre incalculable de kilomètres en voiture.
Je ne peux pas passer sous silence une observation que Chaïma m'a faite. La bonne humeur constante d'Éric et son côté aventurier, qui veut tout essayer!, m'ont souvent aidé dans les petits moments difficiles du voyage. Il faut avoir les nerfs solides pour m'endurer quand il y a des fourmis dans ma tente! Merci Éric d'avoir un compagnon de voyage hors pair, et, surtout, merci de toujours voir le bon coté des choses.
Après l'Inde, l'Égypte, la Tunisie et le Maroc, la soif de découvertes et d'aventures est assouvie pour l'instant. Éric et moi avons envie d'un voyage tranquille, sans nuitée dans le désert et sans correspondance au beau milieu de la nuit.
Merci de votre intérêt, et toutes mes excuses pour le délai d'écriture que j'ai pris en début de voyage et dont je ne me suis jamais remis.
Voyager avec Frédéric peut ressembler parfois à des montagnes russes. Il a tellement passé de temps à tout plannifier et replannifier que tout imprévu lui semble dramatique. Mais dans le fond, l'important est de profiter du moment présent, surtout qhand on n'y peut rien. Et se serait impossible si Frédéric ne préparait pas tout comme il le fait. Ceux qui ont voyagé avec lui, comme je le fais depuis plus de dix ans savent à quel point il se donne pour plaire à tous. Et ces imprévus, avec le recul, font souvent des anecdotes inoubliables. Les voyages sans anicroche n'existent de toute façon que sur le canal Évasion (et après un montage vidéo intense je suppose). C'est un privilège d'avoir un tel organisateur dans sa vie. Merci Frédéric.
RépondreEffacerEt moi j'ajouterais qi'il est aussi un bon écrivain. Quel effort ça demande mais oh!combien apprécié. Merci pour tout Frédéric. Les photos, tes textes, ton humour que j'aime tant vont me manquer comme d'habitude. Merci merci merci 😘
RépondreEffacerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreEffacerMerci beaucoup Frédéric de partager tous ces moments avec nous. Je voyagerais avec vous sans hesiter une autre fois! Toute la préparation que tu fais et toutes les recherches: c'est juste impressionnant ! Je peux comprendre la pause que vous allez faire pour un voyage "calme" mais je sais que ce n est pas pour longtemps 😉
RépondreEffacerMerci Frédéric d'avoir pris le temps de partager des moments de ce voyage. Ce fut très apprécié. Pour ce qui est du voyage "calme", je suis du même avis que Chaïma; je ne pense pas que la pause sera très longue 😊
RépondreEffacerJe vois une belle reconnaissance de part et d'autre de vos efforts mutuels à avoir fait de ce voyage une réussite malgré les moments difficiles. Vous vous complétez bien.
RépondreEffacerVos écrits dégagent une certaine "sagesse". Chaque voyage nous apprend beaucoup sur nous-mêmes car il nous confronte à d’autres mondes, à des cultures différentes et à des situations plus ou moins complexes qui souvent nous forcent à nous remettre en question.
Ce voyage vous a permis de voyager aussi en vous.
Merci à chacun d'entre vous pour vos commentaires. C'est apprécié :o)
RépondreEffacerJ'abonde dans le sens de Josée sur le talent d'écrivain de mon fils. Chaque nouvel article était l'enchantement de ma journée.
RépondreEffacerUne citation d'Oscar Wilde décrit bien nos deux voyageurs :
« Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles »
J'adore! C'est ma nouvelle devise! Tellement vrai en plus.
EffacerTant de mal que tu te donnes, Frédéric. Dis-toi que j'apprécie même si je trouve que tu en fais trop... et que tu nous en fais trop faire! 😉 J'ai très hâte de voir les prochains voyages (calmes???) que vous ferez!
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