Bon vent!

mai 14, 2018 Anne Francoeur 3 Comments

En Tunisie, l'horaire est affiché, mais seulement à titre indicatif.  Se présenter devant le Ribat de Monastir à 8h30 et penser que les portes vont s'ouvrir à l'heure dite relève de l'utopie.  Les monsieurs qui procédent au déverrouillage de la grande porte de bois de la forteresse jasent à l'ombre et semblent parfaitement inconscients de l'heure qu'il est.  Comme touristes, il nous faut prendre notre mal en patience.  Édifié en 796, le ribat servait à défendre les territoires islamiques contre les envahisseurs.
Monastir est la ville de naissance de Habib Bourguiba, père de l'indépendance tunisienne et président de la République pendant 30 ans, de 1957 à 1987.  De son vivant, Bourguiba a fait construire sa propre sépulture, un mausolée aux dimensions imposantes qui rappelle, dans son architecture, le palais royal de Mascate à Oman.
Béchir a des idées bien arrêtées sur tout.  Il se lève a l'aube pour courir, et ne mange plus après le dîner jusqu'au lendemain.  Il ne boit jamais en mangeant, et, en fait, ne boit pratiquement jamais d'eau.  J'hésite à le comparer à un gremlin ou à un chameau...  Il nous regarde avec un certain mépris commander une bouteille d'eau le midi.  Sur la route vers Sousse, voir Éric se faire savonner sur la quantité d'eau qu'il boit vaut son pesant d'or.  Quand il a terminé de nous livrer ses opinions, il chantonne, claque des doigts puis fait un geste de la main vers la route, on va tout droit!  Quel spécimen!  Le plus rigolo est que chaque question qu'Éric pose depuis 7 jours est accueillie par un non, et répondue tout a côté.  Est-ce que c'est la ville de Sousse au loin là-bas? Non, non, bien sûr, c'est Sousse!  Est-ce que Sousse fait partie du Sahel?  Non, non, bien sûr cher ami, il y a beaucoup d'olivers à Sousse, c'est la perle du Sahel.
Celui qui a surnommé Sousse la perle de la région du Sahel n'est pas entré dans la ville par la même route que nous.  Du côté du port, ça schlingue atrocement et, franchement, je cherche encore l'intérêt que cette ville peut avoir.  Un ribat, une mosquée et un souk étouffant.  Béchir nous conduit à la boutique de souvenirs version walmart tunisien, et nous dit de nous promener en ville.  On fuit vers un café à la limite de la médina, mais, pris de remords, je laisse Éric siroter son capuccin, je traverse le boulevard infernal sans même m'arrêter et je me promène dans le souk (vraiment bof!), et je me paye même la visite de la mosquée 15 minutes avant la prière du vendredi (bof!), mais je manque de temps pour le ribat (faut bien s'en garder pour une prochaine fois!).
En approchant de Tunis, je salive à l'idée de toutes les possibilités de restaurants dans lesquels nous pourrons manger ce midi.  Mais Béchir a des plans.  Il prend la sortie Grombalia sur l'autoroute A1, et, pourquoi pas, roule 45 minutes sur la route secondaire vers Hamman Lif, en banlieue de Tunis, pour nous faire goûter au même sempiternel poulet grillé qu'on voit partout.  On traverse en face au pire café de la ville pour un capuccin que je ne boirai pas, dégoûté par le barista sale, et l'odeur de fumée qui empeste jusque dehors sur la terrasse.  Moi, Hamman Lif, pas sûr!
Béchir nous laisse à l'aéroport de Tunis.  Il nous quitte, toutes vitres baissés, enfin seul maître à bord et contrôleur officiel des vitres électriques.  Bon vent!
Les 7 dernières années de vache maigre qu'a connu la Tunisie depuis la révolution de 2011 ne peut qu'avoir laissé des traces sur l'industrie touristique.  Quand les hôtels ne sont pas carrément laissés a l'abandon, on a souvent l'impression que les gens ont oublié la petite touche qui fait toute la différence dans le service.  La première semaine du voyage, accompagnés d'Amine et Chaïma, a été un véritable succès.  Nous avons cependant trouvé difficile de faire autant de route dans la deuxième semaine, et plusieurs arrêts nous ont fait nous demander : " Mais qu'est-ce qu'on fait icitte?".  Le sud, plus que le nord, a davantage souffert de la crise du tourisme, et peine à se remettre.  Ça se sent non seulement dans les installations touristiques, mais aussi dans l'attitude des gens que nous avons côtoyés
Évidemment, à force de se faire fouetter le visage par le vent à l'avant de la voiture, Éric a developpé une sinusite...











3 commentaires:

  1. Il est vraiment nul ce Béchir. Il fait ses comissions tout en travaillant.. pourquoi passer Hamma Lif! Je compte sur vous d'écrire à son agence.

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  2. On a vraiment passé une belle semaine ensemble. À refaire!

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  3. Gremlin ou chameau, vous êtes bien débarrassés maintenant de cet énergumène!
    Dommage que vos derniers jours en Tunisie ait été teintée de contrariétés. Vous avez connu un personnage qui ne représente sûrement pas la majorité des tunisiens. Mais ça vous a permis de comprendre que 7 ans après la révolution qui a provoqué la chute de la dictature du président Ben Ali, il reste beaucoup à faire pour changer les mentalités.

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