Djerba la douce

mai 12, 2018 Anne Francoeur 6 Comments

J'avais une vision idyllique de Djerba probablement influencée par les origines mythologiques de l'île.  En effet, Ulysse, raconte Homère, a bien failli terminer ici son fameux voyage et ne jamais retrouver Pénéloppe.  Les lotus, douceurs prisées des habitant, avaient la faculté de faire tout oublier, y compris sa famille et sa patrie.  Je me demande dans lequel des trois Club Med de l'île a bien pu débarquer Ulysse 🤔.  Vous le comprendrez, les temps ont bien changé depuis le séjour d'Ulysse, et les rivages de Djerba la douce ont désormais été envahis par le tourisme de masse.  Des hôtels ont poussé comme des champignons du côté des plus belles plages.  Djerba a gardé son âme, mais encore faut-il la trouver.  Par chance, nous dormons à Errediah, petite bourgade au charme fou au centre de l'île, loin des complexes hôteliers et des plages.

Béchir connaît bien l'île et nous amène sur une plage plus visitée par les pêcheurs que les touristes.  Ce bel endroit est cependant un secret de polichinelle, des quads débarquent en trombe sur les lieux, rompant la magie.  À quelques kilomètres de là, c'est une tout autre ambiance qui règne sur la plage.  Des chameaux endimanchés tentent de séduire les touristes en speedo pour une petite balade sur le bord de la mer.  Gare aux puces!

La ville de Houmt Souk (littéralement le quartier du marché) est, comme son nom l'indique, un grand souk qui vend la même marchandise que partout ailleurs en Tunisie.  J'avais entendu que les vendeurs ne rabattaient pas les touristes autant qu'ailleurs, mais, crise oblige, ils ne se démarquent plus tellement des autres marchés.

Le dîner de dorade au Poisson d'or du village de Guellala est délicieux.  Connu pour sa grande tradition de poterie, les artisans semblent avoir éteint les fours et les mêmes assiettes qu'à Sidi Bou Saïd ou Nabeul prennent la poussière dans d'immenses magasins déserts.  Dommage.  Le musée de Guellala s'intéresse aux coutumes uniques de l'île et fait ressortir le rôle si important de la femme dans cette société matriarchale.  Dans des demeures appelées des menzel, la mère de l'époux accueille sa brue sous son toit, mais c'est elle qui contrôle la maisonnée.  L'île de Djerba est un des rares endroits où pouvaient vivre paisiblement la communauté juive et la communaute musulmane.  Mais l'attentat de 2002 a fait un brèche dans ce fragile équilibre.  Intéressant de voir les costumes traditionnels des femmes de chaque région de Tunisie, les femmes de Djerba arborant un long voile coloré couvrant tout le corps, et un étonnant chapeau fait de feuilles de palmier.  On en voit plusieurs accoutrées ainsi dans les villages que nous traversons.

Béchir nous laisse à Houmt Souk où je veux acheter de l'huile d'olive.  Dans un kiosque, je prends une bouteille et en demande le prix.  Plus vous achetez moins c'est cher, Monsieur.  À la caisse, le vendeur me la fait à 55 dinars (27$).  Je me mets à rire, et je quitte aussitôt, sans même marchander.  La barre commence beaucoup trop haut!  Après un café chez Ben Yedder, on repasse devant la boutique.  Tiens, tiens, c'est  maintenant 15 dinars (7 dollars) pour la même bouteille.  Beaucoup trop insulté, je passe mon chemin.  Pour revenir à Errediah, longue marche de 1h15 pendant laquelle les habitants nous dévisagent en nous croisant sur la petite route secondaire qui conduit au village.  Ils n'ont jamais vu des touristes marcher par là, ou c'est le fait que, comme dit Chaïma, nous brillons tellement nous sommes blancs!

Épuisés, on se promène quand même autour de l'auberge pour découvrir de nouveaux graffitis.  La gargoulette d'agneau nous attend à la salle à manger, mais des Français bruyants, avec enfant, gâche un peu la sauce de notre souper romantique.