Trois poils de la barbe de Mahomet
Le vent continue de souffler violemment sur Hammamet. Difficile de nous imaginer faire le tour du Cap-Bon avec ce temps, il faut modifier le programme. Toujours à surveiller la météo, j'ai avisé l'agence qui prend la relève d'Amine et Chaïma ce samedi d'un changement dans l'horaire : aujourd'hui, jeudi, nous visiterons Kairouan (que nous devions visiter avec notre guide), et samedi, Sbeïtla (que nous ne devions pas visiter du tout). Kairouan, c'est la ville de naissance des parents d'Amine, peut-on trouver meilleur guide pour cette visite?
Accueillis par des têtes de chameaux coupées dans le petit village précédent Kairouan, nous sommes horrifiés de cette tradition pour le moins barbare qui indique que la viande est fraîche. Après avoir senti l'odeur qui se dégage des carcasses suspendues en plein air, nous pouvons continuer notre chemin loin de la petite ville de mangeurs de chameaux.
Éloignée de la mer, Kairouan a développé dès le 9e siècle un système de citernes pour drainer l'eau de pluie et s'alimenter d'une source à proximité, un ouvrage hydraulique ingénieux nommé les bassins des Aghlabides. Mais la renommée de Kairouan est surtout attribuée à sa grande mosquée, la première construite au Maghreb dès le 7 siècle. Certains vont jusqu'à dire que Kairouan constitue la quatrième ville sainte des Musulmans après La Mecque, Médina et Jérusalem, mais il semble que cela ne fasse pas l'unanimité vu la rectification reçue sur Facebook par notre ancien guide en Égypte, Mohamed. N'empêche, la vieille mosquée est toujours très belle après toutes ces années. Avant de pénétrer dans son enceinte, Amine se fait interpeller par un policier (décidément...) qui l'accuse haut et fort de nous servir de guide non officiel. Il veut du bakchich de toute évidence. Les deux coqs se toisent, leurs visages éloignés de quelques centimètres à peine, prêts à bondir. Heureusement, un autre policier, plus calme que l'autre, vient faire la paix, et Chaïma intervient également.
La mosquée de Kairouan a été fondée par Oqba Ibn Nafi, un tyran. Quelques temps avant sa mort, il croise son propre assassin, Koceila, et lui ordonne de trancher la gorge à un mouton. Koceila s'exécute, mais frotte ensuite son menton avec le sang de la bête prétextant que c'est bon pour la barbe. Koceila tuera Oqba, et donna une signification à son geste qui a toujours cours de nos jours : se frotter le menton ici veut dire : tu perds rien pour attendre!
Au hasard des ruelles blanches de la médina de Kairouan, Amine croise un de ses compatriotes, un autre Jaouadi, qui décide tout bonnement de nous faire visiter quelques endroits de la vieille ville. La beauté de la médina est exceptionnelle. Il faut dire qu'elle est bien entretenue! Chez le boulanger, on goûte au pain assaissonné de quelques graines qui rappellent le cumin. Chez le pâtissier, on se délecte de makroudhs, beignets de semoule farcis aux dattes ou aux noix. Dans le souk, on achète des gants de crin typiques de Kairouan et, loin de la zone touristique, on visite l'échoppe d'un tisserand où l'on achète foutah (serviettes de bain) et foulards.
La mosquée du Barbier abrite le tombeau du compagnon et, bien entendu, barbier du Prophète. Pour rester dans l'imagerie capilaire, on termine la visite de Kairouan par le mausolée d'Abou Zamaâ, l'endroit le plus vénéré de la ville, car ce compagnon du Prophète aurait conservé jusqu'à son tombeau trois poils de la barbe de Mahomet. Nous, ce sont les bouts de croix, eux, ce sont les poils!
Le vent souffle sur Hammamet avec une rare intensité. Des petites dunes de sable provenant de la plage se sont formées jusqu'à la médina. Le sable pénètre nos vêtements, salit nos cheveux et s'inscrute même dans ma caméra qui, depuis, ne fait plus le même bruit d'obturateur. La brasserie artisanale des doux souvenirs d'Amine ne vend plus que la Heineken. On reste quand même en ville, alors que Chaïma et Amine nous rejoindrons avec toute la famille pour un souper chez Barberousse. Éric et moi arpentons la rue principale en quête d'un chandail qui pourra réchauffer le prévoyant Éric...
J'aime ces photos de petites rues blanches aux accents bleus, particulièrement quand quelqu'un y circule.
RépondreEffacerLes ruelles de Kairouan ont une belle âme, ça se voit sur les photos, magnifiques 💕
RépondreEffacerTon texte est super intéressant
Le "prévoyant" Éric s'est-t-il trouvé un chandail, finalement...?
Oui un joli chandail bleu 😊
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